Le débat auquel nous procédons aujourd’hui est important puisqu’il a pour objet, selon l’article L.3312-1 du Code général des collectivités territoriales, que vous citez, de discuter des orientations budgétaires de l’exercice prochain et de définir les engagements pluriannuels envisagés par notre collectivité.
Le même article indique que ce débat doit avoir lieu dans les deux mois qui précèdent l’examen du budget, douze jours au moins avant celui-ci.
Discuter sur des chiffres précis, sur des hypothèses crédibles : tel est le but de cet exercice prévisionnel. Or, ce n’est pas l’exercice auquel vous nous conviez puisque vous ne cessez d’écrire que, du fait d’une présentation plus tardive du projet de loi de finances, un certain nombre de données, notamment sur les péréquations, ne sont pas connues. Je vous cite : « Ces incertitudes ne garantissent pas la parfaite fiabilité du travail de projections financières sur le volet de nos recettes… »
Alors, pourquoi une telle précipitation ? Nous aurions pu reporter ce débat pour le mener en toute connaissance de cause, au vu de données fiables.
Vous souhaitez l’optimisation des dépenses et une recherche toujours plus exigeante de l’efficience des services publics. Nous partageons cet objectif.
Mais, contrairement à ce que vous affirmez, la solidarité n’est pas votre priorité. Loin s’en faut.
Votre priorité, c’est le maintien d’un équilibre budgétaire, obtenu sans toucher à la fiscalité qui est pourtant une des plus basses de France, et le maintien d’un volume d’investissement essentiellement financé par l’autofinancement. Et tout cela au détriment des dépenses sociales, alors que les besoins dans ce domaine sont croissants, et des dépenses de personnel, celles-ci devenant une variable d’ajustement de votre politique.
Chaque année, vous consacrez près de 60% des dépenses de fonctionnement pour des actions de solidarités territoriales et sociales qui constitueraient le cœur de la politique départementale.
Et comme chaque année, tel n’est pas le cas. Les comparaisons des chiffres disponibles [1] démontrent une fois encore que les Hauts-de-Seine font moins bien que les autres départements dans le domaine social. Alors que la moyenne nationale (Métropole Hors Paris) des dépenses d’action sociale des départements s’établit à 61,3 % de leur budget de fonctionnement (Fonction F5, y compris RSA et APA), celles de notre département est de 53,2 %, soit plus de 8 points d’écart. Même si l’on ajoute les dépenses de prévention médico-sociale (plus 3 % dans les Hauts-de-Seine contre 1,6 % en moyenne nationale), l’écart reste important : 6,5 points.
Une fois de plus l’action sociale n’a jamais été et n’est pas une des priorités de notre département.. Alors que le nombre d’allocataires du RSA ne cesse d’augmenter (960 foyers supplémentaires à la charge du Département par rapport à l’année précédente, soit près de 28 000 foyers de plus), le montant prévisionnel du budget consacré au soutien des personnes en difficultés sociales ou en réinsertion est fixé pour 2015 à 180 millions d’euros. Or, la seule allocation RSA, dépense obligatoire pour le Département, est estimée à 170 millions d’euros. Cela signifie qu’une dizaine de millions d’euros seulement seront consacrés aux dépenses d’accompagnement de ces bénéficiaires de minima sociaux. Il n’est même pas fait état des actions finançant les dispositifs de l’économie sociale et solidaire qui sont pourtant un des outils efficaces de sortie de la pauvreté. Si l’on veut que le programme départemental d’insertion et de retour à l’emploi permette à un plus grand nombre d’allocataires du RSA de retrouver un emploi durable, il faut le doter de moyens plus importants.
Notre département recèle un certain nombre d’emplois non pourvus, notamment dans les services à la personne, que ce soit en direction de la petite enfance ou des personnes âgées dépendantes. Donnons-nous les moyens de répondre à cette demande, en favorisant l’accès aux formations nécessaires à l’exercice de ces métiers.
Autre exemple de lacunes que ce projet de budget ne comblera pas : les dysfonctionnements répétés de la maison départementale des personnes handicapées. Alors que la dématérialisation devait réduire les délais d’instructions des demandes, c’est l’inverse qui se produit puisque nous sommes maintenant à 9 mois et demi de délai alors que les textes prévoient qu’on ne devrait pas dépasser 4 mois. Il faut là aussi se doter de moyens suffisants pour répondre avec efficacité à la demande de nos concitoyens les plus vulnérables.
Quant aux personnels, ceux-ci sont aujourd’hui en grève. Les organisations syndicales que nous avons reçues, avec Bernard Lucas et Luc Bérard de Malavas, notre nouveau président de groupe, sont inquiètes au vu de l’évolution récente et des perspectives en matière de ressources humaines. Les dépenses de personnel ont progressé de façon très limitée: + 0,55 % sur la période 2010 à 2012, malgré les revalorisations statutaires mises en œuvre. Vous vous entêtez dans votre dogmatisme : « La maîtrise de la masse salariale constitue un enjeu majeur dans un contexte budgétaire contraint ». Dans ces conditions, une détérioration des services rendus à la population est à craindre.
En outre, vous affirmez : « La ligne directrice qui a présidé ce débat d’orientations budgétaires a été la recherche de l’efficience maximale de nos dépenses au regard des besoins du territoire et des Alto-séquanais. » Mais comment cette efficience – le rapport entre les moyens consacrés et les services rendus – est-elle mesurée ? Et comment évaluer cette politique ? Ce que nous constatons, c’est que de plus en plus de PMI, de plus en plus d’EDAS, rencontrent des difficultés dans l’exercice de leurs missions.
Si, comme vous ne cessez de le répéter, la solidarité est le cœur du métier du Conseil général, alors, donnez-vous en les moyens, tant financiers qu’humains ! Ceux-ci ne figurent pas dans le projet de budget que vous nous soumettez aujourd’hui. La lecture des Comptes Administratifs est en ce sens éloquente. Sur la période 2012-2013, on constate une très nette baisse, à hauteur de 5,3%, des dépenses en matière de Prévention Médico-sociale (passage de 43 M d’€ à 40,7 M d’€). Et cette baisse en la matière s’amplifie pour le prochain exercice puisque le Budget Primitif fait état de crédit à hauteur de 37,7 M d’€ pour l’année 2014. Et alors que les besoins en la matière vont croissants, vous n’hésitez pas à dépenser dans de nouveaux bâtiments administratifs pour la « modique » somme de 200 M d’€. Un gaspillage de l’argent public que nous ne pouvons que dénoncer.
Comme vous le voyez, dès lors qu’on supprime les dépenses inutiles et celles qui ne profitent qu’à certains privilégiés, des marges de manœuvre existent. Par conséquent, investissons pour davantage de maisons de retraite à prix accessible et de qualité afin que nos anciens puissent vieillir dignement dans les Hauts-de-Seine. C’est d’ailleurs l’objet de mon amendement à la Décision Modificative N°1 du Budget 2014. Je proposerai en effet, au nom du groupe socialiste, que le Département subventionne de façon plus conséquente les établissements publics d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes afin de diminuer le prix de journée supporté par les résidents et leurs familles, et, via l’autofinancement, que nous investissions à budget constant dans la construction de nouveaux EHPAD publics. Recrutons également le personnel départemental nécessaire dans les PMI, les EDAS, et à la MDPH afin d’accompagner au mieux les habitants, en particulier les familles, les personnes âgées et personnes handicapées, celles dans le besoin ainsi que les allocataires du RSA pour les aider à retrouver le chemin de l’emploi.
[1] (Ministère de l’Intérieur. DGCL Comptes administratifs des départements 2012)