Les perspectives de décroissance pour l’année 2009 viennent d’être publiées : - 2,9 % pour la France. Elles sont catastrophiques, puisque, derrière ce chiffre, ce sont des licenciements en masse, des fermetures d’entreprises, plus de précarité et de pauvreté dans notre pays. Contrairement à ce que vous affirmez, l’ampleur de la crise n’a pas ses origines à l’extérieur de nos frontières.
Il s’agit d’abord de la faillite d’un système, celui d’un capitalisme libéral dont vous
étiez, jusqu’à peu, de fervents partisans…
Dans un article récent du journal « Le Monde », Robert Castel écrivait "On assiste à une marchandisation rampante de larges secteurs de la société et, au premier chef, du monde du travail. Elle entraîne le chômage de masse, la précarisation des relations du travail, le retour sur le devant de la scène de la vielle figure du travailleur pauvre, la multiplication des situations bâtardes comme celle des bénéficiaires du revenu de solidarité active ou des "contrats aidés"... Un nouveau précariat prend ainsi place dans notre société...
Ceux-là même qui militaient pour la disparition de l'Etat en appellent aujourd'hui à lui pour faire face au cataclysme. Ils prétendent même vouloir refonder le capitalisme en le moralisant...
Mais moraliser le capitalisme est un non sens. Le capitalisme est amoral par nature.
Il ne se soucie pas d'éthique ni de solidarité, mais de compétitivité, d'efficience et de profits, et ce faisant il est parfaitement dans son rôle. On ne peut pas changer la logique interne du capitalisme. Mais on ne peut pas davantage éluder sa présence et sa puissance. Il faut avoir la lucidité de reconnaître que nous sommes, et pour longtemps, dans une société capitaliste, et que le marché est une composante essentielle de la modernité. Dès lors, sauf à faire la révolution (mais qui la fera ?), le problème est de vivre avec le marché sans être dévoré par lui. »
Une des principales origines du mal qui gangrène notre société, c’est la croissance inexorable des injustices et des inégalités. Notre département en est hélas le symbole.
Votre projet de budget 2009 repose, dîtes-vous, sur deux idées fortes :
- un effort de solidarité afin de soutenir nos concitoyens les plus fragilisés ;
- l’application d’un plan de relance départemental par un effort accru des investissements.
En réalité, rien, dans ce budget, ne permet d’affirmer que vous prenez les décisions financières et budgétaires, c’est-à dire les mesures et les moyens qui permettraient d’atteindre les objectifs que vous prétendez vous fixer.
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Examinons le point par point.
1. L’équilibre de notre budget est évidemment moins difficile à atteindre dans notre département que dans beaucoup d’autres qui ne bénéficient pas des mêmes richesses.
Rappelons que les Hauts de Seine est le seul département à ne pas toucher la dotation de péréquation dont le seuil est pourtant particulièrement élevé, preuve, s’il en est, que notre département est le plus riche de tous. Mais c’est aussi le plus inégalitaire.
Malgré sa richesse, il connaît, comme toutes les collectivités locales, la baisse de ses recettes. : Droits de mutation, dotations de l’Etat, moindre augmentation des bases fiscales, risque lié aux annonces présidentielles inconsidérées de suppression de la taxe professionnelle…
L’équilibre se fait avec un recours à l’impôt supplémentaire de 4%. Beaucoup de collectivités y auront recours. (On échappe aux +30 et +15% de vos collègues UMP des Hautes –Alpes et des Alpes Maritimes !) La raison en est toute simple : la crise entraîne des besoins supplémentaires de la part de nos concitoyens fragilisés dans leur vie quotidienne, et deuxième cause cumulative : l’Etat ne prend pas en charge la totalité des responsabilités qu’il transfert aux collectivités. On estime, toutes tendances politiques confondues, que les départements ont un manque à gagner de plus de 1 milliard d’euros.
A quand un meilleur partage des richesses ? A quand une réforme de la fiscalité locale dont nous dénonçons, une fois de plus, les injustices ? Les débats actuels sur la réforme territoriale ne permettent pas, hélas, de dire que la majorité à laquelle vous appartenez, veuille vraiment mettre un terme à ces aberrations.
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2. L’effort de solidarité n’apparaît aucunement dans ce budget.
Prenons quelques exemples.
Le poste consacré à l’insertion des personnes en difficultés passe de 136, 57 M€ en 2008 à 139,81 M€ en 2009, soit + 2,37%. Ce budget doit tenir compte de la mise en place du RSA (Revenu de solidarité active). Or, le nombre d’allocataires de minima sociaux va exploser puisqu’on va passer des 25 000 allocataires actuels du RMI à un chiffre de plus du double des futurs allocataires du RSA : 57. 000. Les besoins ne sont certes pas les mêmes, mais si l’on veut que le nouveau dispositif réussisse, il 3
faut mettre des moyens considérables sur l’accompagnement individualisé. Le bilan présenté lors du dernier comité départemental de l’insertion le montre bien. Les chiffres les plus encourageants en matière de réinsertion sont ceux des espaces insertion, qui jouent à la fois sur la proximité des opérateurs (conseillers insertion, tuteurs, travailleurs sociaux des circonscriptions…) et le suivi dans la durée des bénéficiaires des dispositifs. La seule reconduction du budget consacré à la seule réinsertion (24 millions d’euros – sans le RMI) est la démonstration de ce manque d’ambition. Elle est d’autant plus inquiétante qu’elle intègre la suppression des crédits donnés à INGEUS (7M€), le programme Énergie Emploi 92 confié à cette société privée n’étant pas reconduit. Nous aimerions avoir rapidement le bilan d’évaluation qui semble avoir été déjà réalisé. Cette diminution est d’autant plus grave que notre département n’est pas bien placé dans les comparaisons que l’on peut faire dans le domaine de l’insertion, responsabilité première de la collectivité départementale: 100 € pout les Hauts-de-
Seine, contre une moyenne de 140 pour l’ensemble des départements français.
Ce sont les communes qui, une fois de plus, devront « mettre la main à la poche » pour combler le désengagement de l’Etat et la non implication du département. Comme pour les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, il est à craindre que ce sont elles qui devront supporter les dépenses indispensables à la couverture sur tout le territoire des espaces-insertion. Aucun engagement ne figure dans le budget sur ce point.
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3. Dans le domaine de la famille et de l’enfance.
Alors que notre département vient d’installer, deux ans après que la loi lui en faisait l’obligation, un observatoire départemental de la protection de l’enfance, la première des protections n’est-elle pas que cette enfance vive dans des conditions dignes de ce que notre société devrait lui offrir, à commencer par un logement correct.
Nous reviendrons plus longuement sur le schéma départemental de la Protection Maternelle et Infantile, que nous examinons lors de cette séance. Difficile d'être contre... Mais ce n'est pas très ambitieux pour un département aussi riche que le nôtre!
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4. Dans le domaine de l’éducation.
Vous vous refusez toujours à inscrire des mesures que beaucoup d’autres départements moins riches que le nôtre ont mis en place depuis longtemps au plus grand bénéfice des familles : les bourses scolaires pour les collégiens, un véritable quotient familial pour la demi-pension et les voyages scolaires, une prise en charge conséquente des dépenses de transports des élèves (Imagin’R), les cartables électroniques…
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5. Le plan de relance de notre département devrait être exemplaire, puisque c’est celui de la collectivité que préside le ministre de la relance. L’est-il vraiment ?
En 2008, notre assemblée avait voté une enveloppe de 481 M€ de crédits de paiement tous budgets confondus. A noter que ce sont des crédits inscrits, pas forcément dépensés. En 2009, le budget primitif porte les dépenses d’investissement à hauteur de 588M€, soit + 107M€. (Et non 270, comme on a pu le lire dans certains articles de presse).
Deux remarques :
- La plupart des travaux énumérés dans la liste que ce budget va permettre de financer étaient déjà prévus. Il ne s’agit donc pas à proprement parler de projets nouveaux mais de la mise en œuvre plus rapide d’opérations qui étaient déjà programmées.
- D’autre part, l’effort du département aurait pu être beaucoup plus important.Comme tout le monde le sait, notre collectivité est très peu endettée (un peuplus de 6 mois de remboursement de la dette). Sa capacité d’autofinancement est estimée à près de 350 M€ alors qu’elle n’est que d’une centaine de M€ enmoyenne pour les départements français. Nous n’investissons donc pas à la hauteur des ce que nous pourrions faire.
Pourquoi ne pas « mettre le paquet » sur les transports en commun ? Quand on voit l’état de la ligne 13, qui dessert notre département du nord au sud, on ne peut que regretter qu’à l’occasion de ce plan de relance, tout ne soit pas mis en œuvre pour que ce chantier devienne immédiatement prioritaire. 2 millions d’euros seulement pour l’accessibilité des transports en commun en faveur des personnes à mobilité réduite et le report à la fin de l’année 2009 de la mise en service du réseau « Pour l’Aide à la Mobilité, le « PAM 92 »! Faut-il attendre qu’il y ait un drame un matin ou un soir ? J’ai cru comprendre que le Président de la République s’intéressait au dossier des transports en commun en région Ile de France…Qu’attendez-vous, Monsieur le ministre, pour mettre autour de la table les principaux financeurs et, au-delà des clivages politiques, mettre en place les moyens permettant de mettre un terme au plus vite aux difficulté que les alto-séquanais rencontrent quotidiennement dans leurs déplacements? Ce serait vraiment faire œuvre utile.
Le problème du logement social est un scandale dans ce département. Il est temps de le crier haut et fort. Aucun effort n’est fait pour mettre fin aux disparités criantes que nous connaissons tous. On croirait même l’inverse.
Quel est par exemple le bilan de l’OPDHLM 92 dans l’offre de logements sociaux nouveaux ces dernières années ? 248 logements neufs mis en service en 2007, dont seulement quelques PLA-I (Les logements qui s’adressent aux familles les plus modestes), alors que les besoins sont considérables. Dans le cadre du partenariat entre l’Office et le Département, seuls des travaux d’entretien et de grosses réparations sont mentionnés au titre de l’année 2009. Quid de nouvelles réalisations.
Quel est le réel bilan de l’agence foncière départementale ?
Est-il normal que le plan de relance ne comporte aucune mesure vraiment incitative dans ce domaine, crucial pour le bien-vivre de nos concitoyens ?
Est-il normal que 10 villes de notre département, qui se situaient sous le seuil des 20% de logements sociaux en 1999 y soient encore aujourd’hui alors que la loi SRU votée en 2000 leur en donne l’obligation ? Le plus scandaleux, ce sont les villes qui n’avaient déjà pas beaucoup de logements sociaux et qui voient leur nombre diminuer…au mépris, non seulement de la morale, mais de la loi. C’est le cas de La Garenne-Colombes dont le maire n’est autre que le Vice-président chargé des affaires sociales : le pourcentage de logements sociaux est passé de 11% à 9% en 7 ans !
Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de jeunes, de familles, de salariés qui ne peuvent plus se loger dans notre département. Est-ce qu’il n’y a pas là, en toute évidence, maltraitance à enfants.
La loi DALO (droit au logement opposable) a été votée par votre Gouvernement. En début d’année, 3 550 dossiers étaient déposés, 2 700 considérés comme recevables, 83 familles avaient été relogées…
Cela suffit à caractériser (pour ne pas dire « caricaturer) la situation dans notre département.
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Comme nous avons eu l’occasion de le dire à maintes reprises. La richesse de notre département nous donne des obligations non seulement vis-à-vis de nos concitoyens, mais vis-à-vis de l’ensemble du pays.
Ce n’est pas le budget de solidarité que nous attendions. Il manque cruellement d’ambition. Nous ne le voterons pas.