NB Cette note est un peu longue, certains diront indigeste, mais je pense qu'elle peut servir de premier bilan de la politique sociale du Département. J'espère qu'elle contribuera aux débats que j'anime pour la fédération socialiste du département, et plus généralement, à toutes celles et à toux ceux qui s'intéressent aux politiques sociales, plus nécessaires que jamais en ces temps de crise.
« Un pays qui laisse une partie de sa population vivre dans des conditions humiliantes et indignes est un pays qui n’a pas d’avenir ». Nicole Maestracci, présidente de la FNARS.
Les départements ont, depuis les premières lois de décentralisation (1982/1983), une responsabilité importante dans le domaine social, responsabilité réaffirmée et amplifiée en 2004.
« Le département définit et met en œuvre la politique d’action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l’Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent ». (Loi du 13 août 2004)
En clair, cela veut dire que c’est le Département qui a la responsabilité première de l’action sociale et médico-sociale, et cela concerne toutes les catégories de la population :
- les enfants, par le biais de la protection maternelle et infantile (PMI) et de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ;
- les personnes handicapées, avec la maison départementale du handicap (MDPH);
- les personnes âgées, avec l’allocation pour perte d’autonomie (APA) ;
- l’insertion des personnes en difficultés avec le revenu minimum d’insertion (RMI) et aujourd’hui le revenu de solidarité active (RSA).
On pourrait ajouter les adolescents, avec les collèges (les lycées dépendent de la Région) et bien sûr, le logement, élément primordial de la cohésion sociale mais dont la responsabilité est partagée entre plusieurs niveaux de collectivités.
C’est donc une grande partie des budgets des départements qui est consacrée aux populations fragiles ou en difficultés. L’Etat a délégué, petit à petit, ses responsabilités, dans le domaine social, à la collectivité départementale.
Pour savoir si celle-ci, et en particulier la nôtre, joue correctement le rôle qui lui a été confié, il faut examiner chacun de ces domaines de compétence.
Remarques préliminaires.
Dans les compétences exercées par les départements, certaines sont obligatoires, d’autres ne le sont pas. Il faut donc regarder de près les dépenses du Département, leur évolution, si possible les comparer avec des départements de même envergure. Comme il existe une nomenclature comptable unique et obligatoire, on pourrait croire que c’est chose facile. Il n’en est rien. Les études qui sont faites, souvent par des cabinets privés (Par exemple Dexia) ou des organismes publics (DGCL au ministère de l’Intérieur, Association des Départements de France…) ne permettent pas de faire de véritables comparaisons. Il faut donc interpréter les chiffres et disséquer les rapports. Ce n’est pas toujours facile de les avoir. Par exemple, il nous a fallu plus d’un an pour obtenir l’audit sur le fonctionnement des services du pôle solidarités qui avait été réalisé par un membre de l’inspection générale des affaires sociales début 2008. Nous n’avons jamais eu celui d’INGEUS sur le marché qui avait été conclu avec cette société pour accompagner les allocataires du RMI et les aider à retrouver un emploi…
Deux types de documents sont précieux : le compte administratif –qui retrace les dépenses réelles du conseil général – et le rapport d’activité intégral des services. En rapprochant ces documents, qui paraissent chaque année et sont discutés en séance plénière, on peut avoir une idée de ce que fait concrètement le Département, au-delà des publications habituelles qui vantent l’efficacité de la majorité départementale.
Notre département est un des plus riches et des plus inégalitaires de France. C’est bien connu.
PMI (Protection maternelle et infantile)
La politique du département est définie dans le schéma départemental de PMI, obligatoire depuis les premières lois de décentralisation. Un nouveau schéma vient d’être adopté (mars 2009) pour la période 2009/2013. Les orientations sont conformes aux missions confiées aux départements par le code de la santé publique. Mais ce qui compte, ce sont les moyens mis en œuvre. Or ceux-ci sont principalement des moyens en personnel. On lit, dans le document d’orientation : « En ce qui concerne les moyens humains une réflexion devra être engagée au travers notamment de la modification de la qualification et des profils de postes de certains personnels. » L’enquête de l’IGAS de 2008 est inquiétante : « Des bilans complets pour les enfants bien suivis, une absence de bilan pour les enfants dont les parents ne répondent pas ». Le résultat se lit dans le bilan d’activités 2008 : sur 23 039 avis de grossesse, 6 098 nécessitait une proposition de suivi médical. Combien ont été réellement suivies ? 1 595 d’après le document : suivies, informées et conseillées…Mais on lit aussi que 4 955 visites à domicile et 2 853 visites hors domicile ont été effectuées. Difficile de se faire une idée juste du « taux de pénétration » des services de PMI dans les populations qui en ont le plus besoin. Or, c’est, dès le plus jeune âge des enfants que les aides indispensables aux familles doivent être apportées. ASE (Aide sociale à l’enfance) Le schéma départemental de prévention et de protection de l’enfance et de la jeunesse voté pour la période 2005/2010 se termine. Il n’a pas fait l’objet d’un bilan ni d’un début de concertation avec les élus pour sa poursuite. On peut même lire, dans le rapport d’activités 2008 : « L’accompagnement des familles a légèrement baissé en 2008 : 5 566 mineurs ou jeunes majeurs ont bénéficié d’une action éducative en 2008, c’est 301 personnes de moins que l’année précédente ». Tout aussi inquiétant, la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance prévoyait la mise en place dans chaque département d’une cellule de recueil, traitement, et évaluation des informations préoccupantes. Celle-ci n’a toujours pas été mise en place. Le protocole entre les différentes instances qui y participeront (la CAF n’y est pas) vient seulement d’être signé, le 7 juillet 2009. On peut y lire, tiré du code civil et du code de l’action sociale et des familles : « L’enfant en danger est celui dont la santé, la sécurité, la moralité, les conditions de développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Cette obligation faite aux départements de se doter d’un outil d’informations sur la situation des enfants en danger est inexistant dans notre département. Il est pourtant indispensable pour mener une véritable et efficace politique de prévention.
Personnes handicapées.
Le fonctionnement de la maison départementale du handicap n’est pas satisfaisant, dans les Hauts-de-Seine, comme dans beaucoup d’autres départements. Mais contrairement aux obligations prévues par la loi, le nôtre n’a toujours pas de schéma en faveur de l’enfance handicapée. Or, la MDPH reçoit chaque mois environ 800 dossiers concernant des enfants. Ce n’est que maintenant qu’une mission d’assistance a été confiée après une procédure de marché à un cabinet de consultants externe pour établir un état des lieux, proposer des actions et des orientations et élaborer le schéma qui devrait couvrir la période 2010/2014. En attendant, combien d’enfants handicapés attendent d’avoir une place adaptée dans un école, ou dans un collège, avec le suivi personnalisé dont ils ont besoin et tel qu’il est prévu par la loi ? Nous n’en savons rien. La question des transports n’est toujours pas réglée. Alors que la ville de Paris a mis en place depuis plusieurs années le PAM (Plan d’aide à la mobilité), ce n’est toujours pas le cas dans notre département même si on nous indique que la décision de le faire enfin vient d'être prise.Il serait utile d’avoir un bilan de la mise en accessibilité des lieux publics, responsabilité partagée avec les communes, et dont, là-aussi, les délais d’exécution étaient prévus par la loi handicap.
Personnes âgées.
Le nombre de personnes très âgées, souvent dépendantes, ne cesse de croître. Entre 1999 et 2006, les personnes de 80 ans et plus ont augmenté de 20,8%. Afin que les actions dans leur direction soient optimisées, il est prévu que le département soit couvert par des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) dont le coût doit être pris en charge majoritairement par le conseil général. Le financement versé par le département aux communes ou aux intercommunalités pour le fonctionnement de ce dispositif est de 7,10€ par personne âgée de plus de 60 ans, ce qui est manifestement insuffisant pour assurer le diagnostic, l’orientation et l’accompagnement des personnes qui en ont besoin. Le résultat est une grande disparité de l’aide versée par le département aux communes dont certaines avaient mis en place une coordination gérontologique : elle varie de 27 à 48% selon les villes. A noter, mais ce n’est pas spécifique à notre département, que les trois-quarts des nouvelles places de maison de retraite se font à l’initiative d’entreprises privées à but lucratif, ce qui n’est pas sans incidence sur le coût des places et le reste à charge souvent insupportable pour les familles. Pourquoi ne pas développer la colocation jeunes/ personnes âgées comme cela se pratique dans certains pays ?
Insertion.
A l’origine du RMI (1988), le versement de l’allocation était payé par l’Etat, et les actions d’insertion par les départements. Ceux-ci avaient l’obligation de contribuer à hauteur de 20% dans un premier temps, puis 17%, des sommes versées aux allocataires, à des dépenses d’insertion. Depuis la réforme de 2003, la responsabilité de la politique d’aide aux personnes en difficultés et allocataires de minima sociaux incombe totalement à la collectivité départementale : versement de l’allocation et actions de réinsertion. En décembre 2008, le nombre de bénéficiaires du RMI dans les Hauts-de –Seine était de 25 244 pour une dépense de 137 millions. Le montant global des subventions du plan départemental d’insertion et de retour à l’emploi s’est élevé la même année à 3,4 million d’euros. Même s’il faut ajouter à cette somme d’autres dépenses qui peuvent se rattacher à des actions d’insertion, la contribution du département est loin d’être à la hauteur de la responsabilité qui est la sienne. Le fait que nous n’ayons jamais pu avoir accès au rapport de la société privée INGEUS à qui le département avait confié, après appel d’offres, l’accompagnement des allocataires du RMI de plus de 2 ans, est révélateur du malaise des élus de la majorité à présenter un bilan convenable de la politique menée dans ce domaine. De nombreuses associations qui interviennent avec compétences auprès de ces publics en grande difficultés ne sont pas suffisamment aidées alors qu’elles font leurs preuves. Leurs subventions sont parfois diminuées (associations Espaces à Meudon, Métissages à Villeneuve-la-Garenne, Initiatives Emploi à Chatillon…) alors qu’il faudrait au contraire développer sur notre département un tissu d’entreprises d’économie sociale et solidaire, seules capables d’aider les publics les plus en difficultés. Pourquoi ne pas insérer dans les marchés publics, comme la loi nous y autorise, des clauses réservant à ces sociétés une part de la commande publique ?
En conclusion,
Le suivi des politiques publiques départementales est compliqué. On manque d’outils et nous avons de plus en plus l’impression que tout est fait pour brouiller les pistes. A la suite de nos demandes maintes fois réitérées, et approuvées par les deux présidents successifs, Nicolas Sarkozy, puis Patrick Devedjian, une démarche dite de performance avait été lancée. Le rapport d’activités intégral des services 2007 en faisait explicitement état : « La démarche locale de performance lancée dès le second semestre 2006 par le Conseil général des Hauts-de-Seine vise à renforcer la lisibilité et donc la transparence de l’action publique départementale pour les usagers, les élus et les agents : - en l’alignant sur la démarche impulsée au niveau national par la LOLF ; - en permettant la mise œuvre d’un suivi efficace des actions du Département. Cette segmentation des politiques conduites par le Conseil général selon 3 niveaux (politique/programme/action) et le premier état des lieux des 460 dispositifs départementaux qui en a découlé se sont traduits par un certain nombre de demandes d’évaluation en cours de réalisation ». On allait enfin savoir quel était l’impact des politiques que le département menait. Rien ne figure plus dans le rapport d’activités 2008…Les promesses de « lisibilité », de « transparence », d’ « évaluation » se sont envolées au grand dam de l’élu, du contribuable et du citoyen alto-séquanais. Faute des travaux promis, on ne peut que constater, sur le terrain, dans nos villes et dans nos quartiers, que les inégalités, au lieu de se réduire, s’accroissent, et que le fossé ne cesse de s’agrandir entre celles et ceux qui subissent la crise de plein fouet et les autres. C’est le maintien de la cohésion sociale qui est en jeu, dans notre département, comme dans notre pays.
"Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré". Devise d’ATD Quart-Monde.