Lors de la séance du Conseil général du 12 mars 2010, je suis intervenu, au nom du groupe socialiste, sur le budget 2010 du Département. Voici le texte de mon intervention.
Les trois principales observations que je faisais lors de l’examen du DOB, le 12 janvier dernier, sont confirmées dans le projet que vous nous soumettez aujourd’hui, à savoir :
1) La dégradation financière de notre département, dans une proportion sans doute moindre que celle d’autres départements, mais réelle.
2) Le fait que, contrairement à ce que vous affirmez, les Hauts-de-Seine ne donnent pas - c’est le moins que l’on puisse dire - l’exemple de la solidarité.
3) Enfin, le DOB – que je considérerais comme particulièrement indigent- accouche d’un budget sans souffle. Il faut que vous soyez « contraints » car c’est bien comme cela qu’il faut l’entendre- d’emprunter 300 millions d’euros pour que le département-dont sont issus le Président de la République et son Ministre de la relance- participe un tant soit peu à la sortie de crise.
Malheureusement, et encore une fois dans notre département, ce ne sont pas les concitoyens les plus frappés par la crise qui toucheront les dividendes de cet effort que vous consentez de faire. Pour cela, il aurait fallu inverser les priorités de la politique que vous menez. Et cela, vous ne le faites pas. Pour 2 raisons :
1) La première est politique. Vous considérez que c’est à chacun de se débrouiller et vous n’avez pas conscience de l’importance des actions de solidarité dans le renforcement de la cohésion sociale.
2) La deuxième est que vous ne vous êtes pas donné les outils d’une véritable évaluation des actions que vous menez.
Je ne cesse de la réclamer depuis que je siège sur ces bancs. L’évaluation- dans le département – est totalement inexistante pour des raisons que je ne m’explique pas.
J’ai eu maintes fois l’occasion de le dire ici. 460 dispositifs financiers pour notre assemblée ont été recensés (rapport d’activité des services 2007). On me répète qu’une évaluation est à la disposition des élus. Il n’en est rien ! Le rapporteur général du budget et le Président de la Commission des finances m’ont proposé de consacrer une demi-journée à cette question. J’attends cela depuis 6 ans. Tous, dans cette assemblée, devraient être d’accord avec cette proposition.
Prenons chaque dispositif. Après une brève description de l’objectif poursuivi, examinons les moyens financiers et humains que notre département lui consacre puis voyons –à l’aide d’indications qui – je le reconnais – ne sont peut-être pas toujours très simples à élaborer (mais au moins commençons) et regardons l’efficacité de la dépense publique. Regardons surtout si elle correspond bien à ce dont nos concitoyens ont besoin. Il y a des politiques sur lesquelles on peut s’interroger (j’y reviendrai au cours de la séance) et d’autres qu’il faudra amplifier. Voilà l’essentiel du message que –au nom de mon groupe- je voulais faire passer ce matin.
1) L’effet de ciseaux se confirme. Il va être accentué par la décision que vous prenez de ne pas augmenter les taux.
+ 0.48% d’augmentation des recettes de fonctionnement (c'est-à-dire moins que l’inflation)
+ 1.48% d’augmentation des dépenses de fonctionnement.
Le résultat est une épargne brute qui diminue, de 158 millions d’euros en 2009 à 145 prévisionnels en 2010. Et une épargne nette qui chute de plus de 50% puisqu’elle passe de 61 millions d’euros en 2009 à 27 millions d’euros en 2010- ce qui sera manifestement insuffisant pour payer les intérêts de la dette suscitée pour l’emprunt que vous allez enfin mobiliser cette année. Nous le demandions, depuis plusieurs exercices, compte tenu du faible endettement du département et des forts besoins d’investissements.
Mais il est facile de faire le pari : les impôts augmenteront l’an prochain. Vous avez reculé cette année et préférez- à la veille des élections- nous présenter un budget sans pression fiscale supplémentaire. Les chiffres sont têtus. Ce n’est pas avec une marge aussi faible que vous pouvez financer les conséquences des décisions que vous prenez aujourd’hui. Les intérêts de la dette vont considérablement augmentés.
Pouvez-vous me dire comment ils vont être financés ?
Je terminerai par cette phrase, la dernière de votre rapport – et sur laquelle je vous laisse méditer : « Cette situation doit nous conduire à redoubler nos efforts en matière de gestion et à évaluer l’ensemble de nos dispositifs ». Que ne l’avons-nous pas fait plus tôt !
2) Le budget est toujours aussi peu solidaire, malgré ce que vous affirmez.
Certes les dépenses sont importantes : 660 millions d’euros contre 635 (soit + 5%) mais elles restent à un niveau largement inférieur à celui qu’on peut constater dans des départements de tailles comparables. Les chiffres que j’ai donnés - extraits des comptes administratifs 2008 - ne peuvent être contestés :
Moyenne nationale : 60.2%
Hauts-de-Seine : 56.8%
Bouches du Rhône : 64.5%
Paris : 67.3%
Nord : 71.6%
Il y a lieu de penser qu’en 2009 et 2010, les comparaisons continueront à ne pas être à l’avantage de notre département.
En ce qui concerne les allocataires de minima sociaux, faut-il rappeler qu’ils étaient 27 000 fin 2009 dans notre département. Ils demandent tous un accompagnement personnalisé. A-t-on pris des mesures pour faire face à cette augmentation ? La réponse est clairement : NON. Un travailleur spécialisé dans ce suivi par unité territoriale, c’est scandaleusement insuffisant. Cela signifie que nos concitoyens les plus éloignés du marché de l’emploi ne trouveront pas auprès d’eux les travailleurs sociaux dont ils ont besoin.
A titre d’exemple, dans un département de la même importance que le nôtre, le département du Nord réalise 18% des dépenses réelles en actions d’insertion, alors que nous en avons à peine 12%. De même, le Rhône a, grâce aux clauses d’insertion qu’il a introduites dans les marchés publics, créé 48 000 heures de travail à destination des publics les plus en difficultés. Derrière ces chiffres, ce sont des subventions qui feront défaut à des actions et à des associations qui œuvrent dans le domaine essentiel de l’activité par l’insertion économique. Le groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire mis en place à l’initiative de la majorité départementale et auquel nous avons accepté de participer devrait aboutir sur des réalisations concrètes dans ce domaine si l’on veut qu’il soit crédible, au-delà de simples effets d’annonce.
Deuxième exemple de l’indigence de nos politiques sociales, celui des crédits consacrés à la prévention spécialisée. On constate une quasi stagnation des subventions aux 15 clubs de prévention. Non seulement le nombre d’éducateurs spécialisés est stable, mais lorsqu’il y a des créations dans un quartier, elles entraînent une diminution du nombre d’éducateurs dans d’autres quartiers. Alors que, s’il y a un domaine où la prévention non seulement peut être efficace- mais est indispensable- c’est bien celui là !
En conclusion,
Nous reviendrons, en cours de séance, sur les priorités différentes qui auraient été les nôtres si nous avions eu la responsabilité de ce budget.
Au détour des chiffres, le désengagement de l’État se confirme- laissant à notre collectivité le soin de prendre à sa charge des dépenses qui relèvent de la solidarité nationale.
Il y a un paradoxe à vouloir réduire les pouvoirs et les moyens des collectivités locales (c’est le projet de réforme territoriale que beaucoup d’élus, de droite comme de gauche, condamnent car c’est une remise en cause du processus de décentralisation entamé depuis 30 ans et dont les bienfaits ne peuvent être contestés)- et transférer à ces mêmes collectivités des responsabilités de plus en plus lourdes. Elles sont prêtes à les assumer, et capables de le faire, à condition qu’on leur en donne les moyens et qu’on ne les asphyxie pas !
- L’État ne compense pas à hauteur de ce qu’il nous doit.
- La Région Ile de France, pourtant, donne l’exemple : subvention multipliée par deux pour la réalisation des tramways (de 23 à 40 millions d’euros entre 2009 et 2010).
- Les économies sont possibles : THD 92 (57 M€), Fac Pasqua (7 M€).
- Voilà des économies qui pourraient financer des projets réellement solidaires : le PAL (Plan d’Aide à la Lecture) qui est supprimé, les bourses aux collégiens, des ordinateurs portables, quelques exemples pris uniquement dans le secteur de l’éducation, clé de l’égalité des chances.